LES RISQUES DE L’AUTOMEDICATION
Pourquoi j’ai refusé de prendre un calmant le jour de mon mariage
Le matin de mon mariage, après les divers monte desann et les sessions coiffure et maquillage, je me retrouvais finalement prête pour ce grand jour tant attendu. J’aurais droit à une belle cérémonie à l’église Sainte-Thérèse. Puis viendraient la réception avec les compliments, les bo, deux bo et les souhaits de bonheur pour une belle vie de couple. J’avais hâte. Mais comme on peut se l’imaginer, j’étais aussi anxieuse. Vêtue de ma belle robe, assise sur mon lit de jeune fille, des questions diverses me vinrent en tête pêle-mêle : aurais-je un jour des enfants? Mon fiancé, serait-il à l’heure ? Allait-il pleuvoir durant la réception en plein air ? Serais-je heureuse? Pourquoi certains mariages réussissaient et d’autres pas ? Que me réservait ma vie ? Je commençais à m’inquiéter, quand un membre de ma famille fit son entrée dans ma chambre. J’étais déjà soulagée : elle allait certainement me faire des recommandations, me porter conseil, me rassurer. J’avais hâte d’entendre les sages propos quelle me réservait !… Ses mots, quinze ans plus tard, je m’en souviens comme si c’était hier : « Tu ne veux pas un p’tit Tranxène ? » Pourquoi parler et perdre du temps, quand ce comprimé peut faire l’affaire ? Ce membre de ma famille n’est pas médecin, chimiste ou pharmacienne. Cependant, comme beaucoup d’entre nous, elle s’y connaît en médicaments. Et cette connaissance, automatiquement, mène trop souvent à la pratique de l’automédication.
L’automédication est le traitement médicamenteux sans avis médical. Nous employons nos expériences et connaissances, et déterminons que nous sommes assez informés pour nous traiter nous-mêmes. Ce n’est pas un secret, par exemple, que la quinine soigne le paludisme, que les antibiotiques combattent les infections, et que le Tranxène (clorazepate dipostassique) traite l’anxiété. Cependant, sans contrôle professionnel et dosage adéquat, ces mêmes médicaments sauveurs de vie peuvent aussi nous l’enlever : la quinine peut causer une sclérose de la veine ; l’utilisation chronique des antibiotiques contribue à la pharmaco-résistance (capacité d’un microorganisme à résister aux effets des antibiotiques) ; et l’abus du Tranxène peut mener à une pharmacodépendance physique et psychique. L’automédication risque donc d’aboutir à la surmédication, cette dernière causant dans la plupart des cas, des dommages irréversibles aux organes, ou alors conduisent le patient au coma ou à la mort.
N’oublions pas les autres dangers de l’automédication, dangers moins évidents mais tout aussi importants : en atténuant nos symptômes, nous prenons le risque de retarder le diagnostic d’une importante maladie, et par la suite, retarder les traitements urgents. Il y a aussi la possibilité de s’empoisonner en mélangeant certains médicaments. Par exemple, la combinaison Viagra/Trinitrine (médicament pour insuffisance cardiaque) peut entraîner une grave hypotension. Mais hélas, malgré tous les risques bien connus, l’automédication demeure. Pourquoi ?
La réponse la plus probable est celle du manque de temps et d’argent… « Pourquoi prendre rendez-vous avec un médecin, m’attarder dans un embouteillage, puis une salle d’attente à la clinique pour voir et payer quelqu’un qui va me dire ce que je sais déjà ? Je suis tellement occupée, autant éviter ces tralalas et aller directement à la pharmacie, non ? »
Attention, la pratique de l’automédicaton n’est pas toujours néfaste : sous forme d’analgésique pour simples maux, de gouttes pour irritation des yeux, ou d’Alka Seltzer pour mal makak, elle est même très bienvenue. Ces médicaments en vente libre dans les pays les plus contrôlés sont de loin moins dangereux si pris dans les doses recommandées. Mais pour le reste, soyez prudents. N’essayez surtout pas de faire des calculs du genre : « Si pour un enfant de 4 ans, c’est 2 cuillerées, pour un enfant de 8 ans, ça doit être 4… » Faites-vous voir par un médecin. Vous serez même surpris d’apprendre que parfois l’usage du médicament n’est pas nécessaire.
Le jour de mon mariage, je n’ai pas pris le Tranxène. Son usage est réservé à ceux et à celles qui souffrent vraiment. Mes émotions étaient normales et méritaient d’être ressenties.
Pascale Rivière Guilliod
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