Quand l’amour fait des miracles !

Témoignage – Soutenir efficacement un proche dans le traitement d’un cancer
Un cancer n’est pas seulement l’épreuve d’un malade, il est aussi celle de tout son entourage. Mon mari a été atteint d’un cancer de la gorge. Ce témoignage, le mien, est celui de la personne qui a été la plus proche du patient qu’il était.
Quand on a un parent malade, atteint de cancer et qui est sous traitement, l’on ressent soi-même une grande souffrance que l’on vit avec cette personne. Le proche qui prend soin du patient développe avec lui une relation de proximité, émotionnellement très forte. Bon tan, move tan, se ou ki la. Vous êtes le cheerleader, le souffre-douleur, l’oreille, la béquille, le soldat, l’infirmière… Vous êtes celui ou celle qui tient quand le patient veut abandonner, vous devenez la force qu’il n’a plus. Vous motivez, vous soignez, vous calculez, vous comptez les gouttes de sérum et les pilules à administrer, vous scrutez chez cette personne les moindres signes de malaise, vous l’accompagnez quand elle souffre physiquement, vous perdez le sommeil, vous êtes rongés d’inquiétude, vous déprimez parfois et vous pleurez en cachette, mais vous vous reprenez vite, car vous sentez que vous n’avez pas le droit de flancher. Oui, vous aussi vous êtes fatigué. Vous avez vous aussi besoin de support.
Je partage avec vous quelques réflexions et conseils qui portent, d’une part, sur l’attitude qui m’a aidée à surmonter le calvaire de ces huit longs mois qu’a duré le traitement de mon mari ; et d’autre part, sur quelques leçons que j’ai tirées de cette épreuve. Ce n’est pas une recette magique… J’espère que cela saura quand même vous aider.
Créer un système de support
Au-delà de la disponibilité des soins, au-delà de la guérison possible ou pas, il existe dans toute épreuve que l’on subit un élément qui peut à lui seul faire toute la différence. Il s’agit de votre système de support. En général, la famille et les amis proches le constituent d’instinct, comme un filet de sauvetage, ils forment autour de vous un réseau protecteur fait de sollicitude, d’affection, de présence, d’entraide. Ce système de support peut être composé d’associations, de membres de votre communauté, de bons samaritains rencontrés au hasard, des amis proches ou lointains… Celui ou celle qui distrait votre malade, celui ou celle qui le garde pour vous quelques heures, l’ami qui vous fait rire ou la collègue qui vous appelle pour prendre de vos nouvelles, la personne qui sait vous écouter, celle qui a vécu une expérience similaire font tous partie de votre système de support. Sachez reconnaître en eux une source possible d’appui et accepter celle qu’ils vous offrent. D’un autre côté, si vous êtes croyant, la prière peut être pour vous comme elle l’a été pour nous un grand soutien. Elle nous a donné de la force et de l’espoir.
Partager vos émotions
Si votre patient est adulte, parlez ensemble de votre état, du sien, partagez vos émotions, elles sont normales. Cela le rassurera de se rappeler que vous êtes humain et sensible à tout moment à ce qui lui arrive, à ce qu’il dit et à ce qu’il ressent. Savoir à quel point vous tenez à lui, lui donnera envie de se battre. Choisissez votre moment pour cet échange qui écrasera les non-dits et dissipera les malentendus. En plus de la souffrance du traitement tellement éprouvant de la chimiothérapie, il y a chez votre proche la peur de la mort, ses inquiétudes pour sa famille, pour le futur. Écoutez-le et encouragez-le à s’exprimer. Parlez de vos sentiments. Il (elle) parlera des siens et sans doute de ses appréhensions. Cela vous fera du bien à tous les deux.
Savoir quand vous imposer
Quelle que soit la manière dont vous aimez quelqu’un, vivre une telle épreuve c’est beaucoup de pression et il est normal d’éclater ou de craquer parfois. Ne culpabilisez pas. Un être aimé souffre, il développe ses propres mécanismes de défense. Parfois l’une d’elles c’est de se créer son propre monde, de vivre en mode automatique, d’endormir ses émotions, de s’isoler, de sembler de mauvaise foi, de refuser des médicaments, etc. Ce sont des attitudes fréquentes. Vous avez même parfois l’impression que cette personne abuse de vous ou qu’elle est en train de tester vos limites. C’est un sentiment normal. Sachez vous imposer quand il le faut et fixer les limites. Vous êtes humain, vous cherchez vous aussi un équilibre. Restez ferme avec quelqu’un qui soufre et que l’on aime est un gros défi qu’il est nécessaire d’affronter.
Rester positif
Rester positif n’est pas un cliché. Ce n’est pas un conseil en l’air que l’on donne quand on ne sait pas quoi dire à une personne en détresse. Cette positivité est réelle, possible et elle porte des fruits. Je l’ai vécue. Elle m’a sauvée. Elle a été le support de mon mari. Si savoir qu’il y a pire que votre situation n’est pas forcément rassurant, savoir qu’il y a mieux et que ce mieux est possible vous donnera la force de vous battre. De plus, votre positivité aura un gros impact sur vous et sur votre malade, même au-delà de son traitement.
Apprendre à apprécier les petites choses
Ces petites choses de la vie qui vous paraissent anodines en temps normal peuvent être votre plus grand support. L’appel d’un ami, le soleil qui revient, les nausées qui passent, l’odeur de la pluie, de meilleurs résultats sanguins, la musique savourée un moment, une réunion de famille. Accrochez-vous à ces petits bonheurs, ils sont la preuve que le bon est encore possible. Mon expérience à moi c’est que même quand tout va bien, le vrai bonheur est dans les petites choses du quotidien.
Vivre un jour à la fois
La maladie d’un être cher, cela chambarde une vie, bouscule vos repères, met une pause ou un stop à vos plans de vie. A partir du moment qu’une telle épreuve entre dans votre vie, vous n’avez qu’un choix : prendre votre vie un combat à la fois. Petits et grands combats vers la guérison de cette personne que vous aimez seront désormais votre quotidien. Demain ne vous appartient pas. Chaque jour qui passe est une victoire.
Mon mari va bien à présent, et cette épreuve nous a changés tous les deux, positivement. Elle nous a appris à redéfinir notre relation avec la vie et avec les gens. Elle nous a appris à reconnaitre ce qui a de l’importance et ce qui n’en n’a pas. Elle nous a appris à aller vers l’autre et à mieux comprendre ce que c’est que donner en retour quand on a beaucoup reçu. J’ai conscience que nous avons été privilégiés, d’un point de vue économique d’abord, ensuite du fait que nous avons été bien entourés. Mais nous avons vécu pendant cette maladie cette énorme souffrance humaine que ressent toute personne qui vit une telle épreuve, quelle qu’elle soit.
Voir un être cher frôler la mort et s’engager avec elle dans un corps à corps dont personne ne connaît l’issue, cela demande de puiser en soi une force inouïe. Cette force, vous l’avez. Si vous passez un jour par l’épreuve de la maladie d’un être cher, vous aurez à l’assumer et à être souvent un héros. Mais vous n’êtes pas seul, vous avez en vous un guide qui vous prendra par la main. L’amour fait des miracles.