ALAWONNBADÈ

Que vous soyez un politicien à l’intérieur de votre voiture climatisée ou une paysanne au bord de la rivière qui lave ses vêtements ; que vous soyez enfermé dans votre bureau devant votre iPad ou dans une salle de classe à recopier des notes ; que vous soyez en consultation avec votre patient ou laveur de voitures ; une marchande ou une nourrice ; que vous soyez jeunes ou vieux, médecin ou cireur de chaussures ; ignorant ou savant ; au volant d’une voiture neuve ou dèyè bouda kamyonèt la, comme pour le cancer et le sida, les maladies liées aux mains sales n’épargnent pas plus le riche que le pauvre.
Il y a de ces situations prouvant que nous sommes tous liés malgré nos différences de classe. M. Simon, candidat à la présidence, se trouve à la 13e section communale de Trou Mapou. Après son discours, ne pouvant plus tenir, on lui indique les toilettes. Il revient de son petit séjour sans s’être lavé les mains. En sortant, M. Simon ne manque pas de saluer par de solides poignées de main les partisans et fanatiques. Deux semaines plus tard, dans les médias on apprend que plus d’une centaine d’habitants de Trou Mapou sont tombés malades… On pense à une épidémie. Des bruits courent comme quoi M. Simon ne serait pas « simple »! Qui a dit que les candidats à la présidence ne pouvaient pas être malades ?
Dr Léonard, chef de l’unité d’infectiologie, termine une présentation sur la réduction des maladies diarrhéiques dues aux bonnes pratiques d’hygiène. Il rencontre Marlène à la fin de sa présentation, belle grimèl aux longs cheveux noirs et ondulés avec des yeux couleur tamarin. En dépit de l’éloquence du docteur qu’elle semble apprécier, Marlène a passé tout le temps de la présentation avec un malaise : ses fesses la démangent et elle ne peut pas se gratter. Cette démangeaison la mine depuis deux jours. La conclusion du docteur Léonard faite, Marlène court vers les toilettes pour se soulager. Elle se mouille rapidement les mains (pas de temps pour du savon) tant elle veut retourner auprès du docteur. Après les salutations d’usage, ils se sont entendus pour aller prendre le lunch ensemble ; aucun des deux n’a pensé à se laver les mains. Qui vous a fait croire que les prestataires de soins pratiquaient ce qu’ils prêchent et que les belles femmes ne sont jamais malades ?
Grandye, bèfchenn, a des jumeaux de 6 mois. Ses quatre premiers enfants sont décédés des suites de fortes fièvres et d’épisodes diarrhéiques. Grandye a cette mauvaise habitude d’uriner au coin de rue et de mettre sa main dans son pantalon pour arranger, gratter ou décoller ses bijoux de famille. Une fois chez lui après une longue journée de travail, il va jouer avec ses fils sans faire un tour à la toilette pour se nettoyer. Après leur avoir tenu le visage entre ses deux mains pour les embrasser, il les aide à faire quelques pas. Et voilà les jumeaux qui après ce bon moment passé avec papa, mettent la main dans la bouche. Le plus fragile décède quelques jours après. Fièvre et épisode diarrhéique ont eu raison de lui. Qui a dit que mikwòb pa janm touye Ayisyen ?
Quoi faire ? Eh bien, encore une fois, se laver les mains avec de l’eau et du savon, tout le temps, souvent, sans chercher de prétextes ni d’excuses. Avoir avec soi du désinfectant en gel, liquide ou en papier. Se rendre compte que l’individualisme ne paie pas. Prendre conscience que nous vivons en communauté. Reconnaître l’autre comme un des nôtres. Mettre en pratique ce qui nous a été appris et mettre à la disposition de notre entourage les outils et les informations pour que les autres puissent aussi se protéger. Paske depi youn pran, nou tout ka pran…. Alawonnbadè !
Dr. Cynthia Jean-Louis
Village Santé