Ces us et coutumes qui nous tuent
Haïti est un pays particulier… À en croire certains, on aurait, nous, les Haïtiens, une réponse thérapeutique (le plus souvent folklorique) à chacun de nos maux.
Mais ces réponses, ne nous causent-elles pas plus de mal que de bien ? Voyons ensemble quelques-unes de ces pratiques dictées par la coutume, mais qui peuvent être à l’origine de nombreuses maladies.
Pitit, tranpe men w nan dlo fèy sa a anvan ou antre legliz la !
Rappelez-vous de cette anecdote où toute une communauté a été contaminée par le choléra à la suite des funérailles d’un de ses membres. Pourquoi, me demanderiez-vous ? Eh bien, la coutume voudrait que tous les participants se lavent les mains dans une même bassine. Eh oui, de la première à la dernière personne, toutes les mains sont trempées dans la même eau, et toutes ces personnes en ressortent contaminées par le choléra. En effet, le choléra est une maladie oro-fécale dont la transmission se fait par les boissons, les aliments souillés, mais aussi une maladie dont la transmission est « manuportée », c’est-à-dire pouvant être transmise par les mains. Attention ! Il est de même pour la typhoïde et certaines parasitoses (ascaris, giardia, oxyure, etc.). Il FAUT se LAVER les MAINS mais avec de l’eau propre et courante et avec du savon. Mouiller ses mains dans une eau sale pour les laver ne répond à aucune règle d’hygiène.
Ba l bwè dlo rigòl san l pa konnen !
Une autre pratique plus consternante encore est le traitement du bégaiement. Il serait coutume de donner à celui qui bégaie un bon verre d’eau venant des caniveaux ! Pas besoin d’être un génie pour réaliser que cette eau d’évacuation des maisons et du drainage routier est tout simplement un bouillon de culture de germes, de saletés et ne peut être AUCUNEMENT bénéfique pour la santé. Nous parlons ici de possibilité d’empoisonnement ou d’atteinte de maladies graves.
‘’Glas pa konn sal’’ ! Kote nou janm wè sa ?
S’il est vrai que les microbes meurent à une certaine température, ce n’est pas toujours le froid qui a raison d’eux. La chaleur, en revanche, viendrait plus facilement à bout des microbes : 100 °C, est la température idéale pour tuer les microbes alors qu’un germe piégé lors de la cristallisation de la glace se trouve atténué et pas forcément mort.
Au nom de cette croyance ‘’glas pa konn sal’’, j’ai vu quelqu’un ramasser un glaçon tombé par terre, retirer la saleté qui s’y trouve avec sa main et le porter à la bouche. D’autres, pensant bien faire, lavent avec de l’eau courante le morceau de glace acheté avant de s’en servir.
Ce morceau de glace est formé à partir de quelle EAU ? Voilà la question qu’il faut se poser. Si certains germes arrivent à mourir, les débris persistent. Les débris solides comme des particules de déchets (carton, plastique), mais aussi des toxines peuvent y être piégés. La qualité de l’eau, la propreté du récipient et la manipulation du produit garantissent la qualité du glaçon que vous utilisez.
‘’Se dlo dan ti bebe ki ba l dyare’’
Un enfant qui commence à faire ses premières dents est sujet à une démangeaison des gencives. Il finit par mettre n’importe quoi à la bouche pour frotter celles-ci : pieds de table, mains d’une tierce personne, chemise, jouets qui sont souvent laissés par terre, etc. Il ne faut pas se conforter devant une fièvre ou une diarrhée chez un nourrisson en se disant qu’il fait sa dentition – dlo dan an ki fè l sa. L’enfant peut avoir attrapé une infection dans ce contexte de dentition qui peut parfois être grave. Il faut toujours consulter un médecin qui fera les suites nécessaires.
Ke rat la ap koupe opresyon an sèk
Je terminerai avec le fameux et non anodin traitement des crises d’asthme et du hoquet : « Dlo ke rat » ! Une queue de rat dans un verre d’eau est donnée à la personne souffrante qui, par cette surprise désagréable, pousse un cri qui marque la fin de sa maladie. Si pour certains la frayeur est considérée comme efficace pour traiter le hoquet, elle n’a strictement RIEN à voir avec le traitement de l’asthme.
J’attire votre attention sur l’ingrédient principal de la recette : la queue du RAT. Il a donc fallu attraper ce rat, le manipuler – couper sa queue et la plonger dans un verre d’eau (verre sans doute utilisé dans la maison)… Le rat est un animal qui évolue dans un milieu insalubre, source de contamination hautement dangereuse. Je finis en rappelant que les rats sont des vecteurs de la rage, donc gare à leur morsure.
Toutes ces pratiques témoignent d’une chose : si dans la réalité nous sommes capables de faire ces choses inimaginables, c’est parce que certaines de nos croyances nous poussent à relativiser des réalités évidentes et contribuent aussi à retarder une prise en charge adéquate des maladies ; nous ne nous rendons chez le médecin pour une consultation qu’à l’apparition de complications.
Nous aurions pu élaborer sur plusieurs autres pratiques ou coutumes du terroir qui peuvent nuire à la santé, mais nous comptons sur votre intelligence et votre bon sens pour remettre en question certaines pratiques de grand-mère ou de grand-père qui peuvent parfois causer plus de dégâts que de bien.
Dr Veauthyelau Saint-Joy
Village Santé
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