Savoir l’identifier et réagir 

Insécurité, viols, kidnappings, violences politiques, inondations, puis le 12 janvier 2010, ce tremblement dévastateur qui nous a tous frappés à jamais… Nous avons eu et continuons à avoir notre lot. Pour ces raisons, et aussi parce que ce mois de janvier nous a ramené tant de souvenirs traumatisants, Village Santé a interviewé pour vous la psychologue clinicienne Katia Henrys, membre de l’Association Haïtienne de Psychologie, au sujet du stress post-traumatique, afin que nous puissions mieux l’identifier, le comprendre et y faire face.

VS – L’état de stress post-traumatique, qu’est-ce que c’est ?

KH On parle d’état de stress post-traumatique lorsqu’une personne s’est retrouvée confrontée à une situation particulièrement stressante ou menaçante et qu’elle a eu peur pour sa vie oucelle d’autrui; ou bien qu’elle a été témoin de scènes où la vie d’autres personnes a été mise en danger ; et/ou qu’elle a vu des blessés ou a été elle-même blessée. Cette situation a conduit à une très grande peur et un sentiment d’impuissance. L’événement peut être une catastrophe naturelle (tremblement de terre, cyclone, inondation, tsunami, par exemple), un accident, un viol, un kidnapping, un attentat, une guerre. Suite à cet événement, la personne présente des réactions qui ressemblent à celles-ci : elle dort mal ; elle est sur le qui-vive, l ap pantan pou anyen; elle fait des cauchemars qui rappellent les scènes de l’événement ; des images ou des pensées liées à l’incident envahissent son esprit malgré elle ; des sensations reviennent sans qu’elle le veuille; elle évite certains endroits qui lui rappellent l’incident ; elle ne parle pas de ce vécu, elle est plus en retrait par rapport aux autres; et elle perd goût de certaines activités qui avant l’intéressaient. Certains éléments comme un bruit, un film… peuvent raviver les souvenirs difficiles et provoquer un état de tension semblable à ce qui s’est produit la première fois. Ces signes disparaissent chez la plupart des gens dans un délai de un à trois mois après l’événement traumatique.

VS – Est-ce à tous les coups que les symptômes disparaissent après trois mois ?

KHAlors que les réactions suite au traumatisme disparaissent seules chez la majorité des gens, d’autres personnes voient les signes durer plus longtemps. Parfois, des signes apparaissent plus de six mois après l’incident. Cela dépend de l’histoire de chacun et de chacune, mais aussi de l’ampleur de l’événement. Si les signes s’installent dans la durée et qu’aucune aide n’est donnée, il existe des risques de complication : dépression, problèmes d’alcoolisme ou de drogue.

VS – Les enfants, peuvent-ils aussi souffrir d’un état de stress post-traumatique ?

KHTout comme les adultes peuvent être confrontés à un événement qui mette leur vie en danger et leur crée une peur intense, les enfants aussi peuvent vivre la même chose. Mais les signes post-traumatiques sont différents: on peut avoir des jeunes enfants qui sont plus agités, qui font des rêves effrayants, ou bien qui, dans leurs jeux, présentent de manière répétitive des éléments qui rappellent le traumatisme. Chez les adolescents les résultats scolaires peuvent devenir moins satisfaisants ; ils peuvent montrer un désintérêt pour des activités qu’ils aimaient pratiquer auparavant ; ils peuvent également se mettre à la recherche de situations où ils ou elles se mettent en danger.

VS – Comment aider un enfant en état de stress post-traumatique ?

KH En ce qui concerne les enfants, il faut trouver les mots en fonction de leur âge pour parler de ce qui s’est passé, parler de ce camarade de classe qui ne reviendra plus jamais en cours, par exemple. Pouvoir parler, être à l’écoute et observer les changements dans les comportements sont également essentiels pour les adolescents et adolescentes.

VS – Que faire ? Quand consulter ? Qui consulter ?

KH Il est important de ne pas garder tout cela pour soi et de parler de ses difficultés avec des proches. Dans le cas où ces signes durent au-delà des trois mois et ont un effet sur les activités sociales, il devient nécessaire de chercher l’aide d’un professionnel, psychologue ou psychiatre expérimenté dans le travail avec les personnes traumatisées. Se faire suivre par un professionnel est une démarche qui permet de retrouver l’équilibre plus rapidement face à une situation extrême que représente un traumatisme.

VS – Plusieurs personnes ont pleuré le 12 janvier 2016, six ans après le tremblement de terre meurtrier qui a frappé Haïti. Est-ce normal ?

KH Avoir vécu un événement de cette ampleur laisse des traces dans le psychisme et dans le corps pour la vie. Les dates commémorant ces malheureux événements sont des moments qui ramènent le souvenir douloureux : le fait d’être triste lors d’une pareille date n’a rien d’anormal.

VS – Est-ce qu’on ne se remet jamais entièrement d’un traumatisme ?

KH Chaque personne, en fonction de son histoire et du soutien qu’elle a reçu, va traverser les événements traumatiques plus ou moins bien. D’autres événements difficiles qui peuvent arriver après peuvent réveiller ce premier traumatisme si le travail pour passer au travers n’a pas été fait correctement. En revanche, nous sommes souvent impressionnés par ce que certaines personnes parviennent à faire de leurs traumatismes : des changements positifs impressionnants ou des productions artistiques magnifiques qui montrent justement comment l’esprit se remet.

Katia Henrys