Pendant plus de 24 ans, j’ai souffert en silence de mon apparence, et j’ai vécu dans la peur que les gens me jugent s’ils parvenaient à découvrir mes imperfections. Aujourd’hui, je suis enfin capable de traduire par des mots ma difficile et lourde bataille contre cette maladie appelée alopécie androgénétique. En partageant mon histoire, j’espère pouvoir aider un peu ceux et celles qui vivent une situation similaire. Je souhaite aussi, en le faisant, sensibiliser ceux qui ne savent pas grand-chose de ce sujet.

L’alopécie androgénétique est un trouble génétique qui cause la perte partielle ou totale des cheveux. Au fil du temps, le cheveu devient fin, faible et tombe. Il devient si fragile qu’il lui est très difficile de repousser. Dans mon cas, tout a commencé à l’âge de 14 ans, pendant ma puberté. J’ai développé un déséquilibre hormonal pour lequel des pilules contraceptives destinées à réguler mon système m’ont été prescrites. C’est à ce moment que mes cheveux ont commencé à tomber.

Le calvaire des médicaments

Un dermatologue m’a alors prescrit des potions à base de plantes et de minoxidil. Un autre médecin m’a, lui, dit que ma perte de cheveux était due au stress ou à un traumatisme. Il m’a prescrit un anti-anxiolytique que j’ai pris jusqu’à ce que je décide, à l’âge de dix-huit ans, d’arrêter parce que je ne pouvais plus supporter de me sentir engourdie et détachée. Durant les dix années qui ont suivi, j’ai tout essayé, des vitamines par voie orale ou en injection, du minoxidil extra-fort, des médicaments de prescription, des hormones, des traitements localisés à base de plante, des shampoings, des lotions, des pommades, des sessions de stimulation par laser et même de toutes nouvelles techniques de transplantation de cheveux. Tout cela n’a pas aidé à faire repousser mes cheveux, ni non plus à préserver ceux qui m’en restaient. Au contraire, la plupart de ces traitements ont causé chez moi de terribles effets secondaires ainsi que de gros troubles physiologiques et émotionnels, pour ne pas mentionner les milliers de dollars dépensés au fil des années. En 2009, j’ai subi une transplantation de cheveux. Sous anesthésie locale, des milliers de follicules pileux ont été transplantés de l’arrière de mon crâne à la région frontale où ma calvitie était plus visible. J’ai passé une année à suivre minutieusement chacune des instructions du spécialiste, mais les cheveux transplantés n’ont jamais poussé.

Pendant ce cheminement, j’ai consulté plusieurs spécialistes des cheveux ainsi que des médecins, incluant des dermatologues, des endocrinologues et même des diététiciens. Alors que quelques-uns d’entre eux me donnaient de faux espoirs, d’autres m’ont dit qu’ils pourraient m’aider à préserver ce qui me restait de cheveux, qu’il était difficile de traiter ces cas et qu’il n’y avait aucune garantie que mes cheveux repousseraient. Je me suis sentie vaincue.

La mauvaise image de soi

Les salons de beauté n’étaient pas une option pour moi, j’ai donc gardé pendant toutes mes années d’école secondaire puis à l’Université une coupe à la garçonne. J’observais tous les jours mes amies qui s’agitaient pour leur look ou leur coiffure et je me souviens avoir pensé à ces moments-là : « Si elles savaient comment je me sentais par rapport à ma chute de cheveux ! » Je me suis souvent sentie seule et isolée. Je ne me sentais jamais assez jolie ou attirante, ce qui m’a rendu très timide. Me laisser prendre en photo ou regarder des photos de moi était tout un problème. Aller à la piscine ou à la plage était aussi compliqué parce que cela voulait dire que je devais me mouiller les cheveux, donc exposer encore plus de mon cuir chevelu aux gens.

Le regard des autres

Après la naissance de ma fille en 2011, je ne pouvais plus sortir sans subir le regard curieux des autres. Pendant une conversation avec quelqu’un, souvent je surprenais cette personne en train de scruter ma tête au lieu de me regarder dans les yeux. J’ai commencé à utiliser des produits spéciaux pour cacher mon crâne nu en utilisant le peu de cheveux qui me restaient, tout cela parce qu’une personne m’a abordé un jour pour me dire que je devais faire quelque chose à propos de ma calvitie parce que cela devenait trop flagrant. J’avais voulu à ce moment-là entrer sous terre. J’étais tellement mortifiée de ce manque de tact. Dans les mois qui suivirent, j’ai décidé d’essayer des extensions, mais je n’ai pas pu les garder, parce que mes cheveux n’étaient pas assez denses pour que les extensions s’y adhèrent. Avec l’aide de ma mère, ma meilleure amie d’enfance, et avec celle de mon mari, j’ai exploré l’éventualité de porter des perruques. Je n’oublierai jamais cette première perruque, et mes sentiments vis-à-vis de cette expérience qui représentait pour moi la défaite et la honte.

La dépression

Ce combat a aussi causé chez moi de gros problèmes d’estime de soi et aussi de dépression, et ce depuis l’adolescence. Je suis passée par plusieurs phases, l’incertitude, la peur, la douleur, la colère et la rancœur, et cela a profondément affecté ma santé mentale.

Les 5 dernières années ont été les pires de ma vie, mais cette bataille a été aussi difficile pour mes amis proches, ma famille et mon mari qui ont eu la malchance d’être les témoins de mon supplice ; j’aurais tellement souhaité avoir épargné ceci à ceux que j’aime. Socialement, c’était un cauchemar de faire face aux commentaires sur mon apparence et de subir les regards insistants d’autres femmes, dont certaines que je connaissais depuis des années. Je suis devenue émotive et vulnérable, ce qui a altéré mon jugement. Je ne pouvais plus définir si les gens autour de moi étaient sincères, tout simplement insensibles ou s’ils étaient indifférents, ignorants ou cruels.  La partie la plus difficile a été ma vie dans l’ombre : choisir de ne pas me rendre à certains événements sociaux. Choisir de ne pas voir certaines personnes, choisir de ne pas me trouver dans un certain type d’environnement que je trouvais inconfortable et où je pourrais éventuellement me sentir embarrassée. Parfois, je refusais tout simplement de sortir, de peur d’avoir à subir que n’importe qui m’approche pour me poser des questions sur mon apparence. Je n’avais pas envie de leur expliquer quoi que ce soit ni d’entendre qu’ils avaient une solution, un spécialiste à me recommander ou un remède pour moi.

Comme on dit souvent, vous êtes votre pire critique, et cela, je l’ai appris à mes dépens. Cela a affecté mon estime de soi, ma confiance en moi-même, ma qualité de vie et mes relations, personnelles et professionnelles. Je détestais voir mon crâne briller dans la lumière chaque fois que je me regardais dans un miroir ou que je surprenais mon reflet dans la vitre d’une fenêtre. Je me réveillais en pensant à cela et je me couchais le soir en y pensant, encore et encore. Beaucoup de nuits, je m’endormais en pleurant, en espérant et en priant pour une cure miracle. J’ai souffert pendant trois ans de dépression sévère et j’ai senti alors que je m’étais perdue.  Je ne sortais que quand c’était strictement nécessaire et j’évitais les lieux de réunion ou les lieux trop fréquentés.

Le retour à la vie

Mais à travers la thérapie, beaucoup de recherches et de lecture, et avec tellement de support de mon entourage immédiat, je me suis habituée aux perruques. Maintenant, je m’amuse avec celles que j’ai acquises durant ces dernières années. Cela m’amuse de voyager et d’essayer différentes coupes, textures et couleurs.

Aujourd’hui, je fais la paix avec ma condition. J’ai appris à accepter le fait que j’aie l’alopécie et que je suis chauve. Ce n’est pas la fin du monde et je suis reconnaissante d’être en santé et que ma famille le soit aussi. Je suis reconnaissante de ne pas être en train de me battre contre le cancer ou une autre maladie mortelle. Bien que je ne sois pas parfaite, je sais que j’ai certaines caractéristiques et qualités que je peux mettre en valeur. Je n’oublierai jamais la première fois où j’ai pris cette tondeuse pour me raser le crâne. Me donner moi-même cette coupe « buzz » m’a tellement libéré ! C’était comme si je prenais le contrôle. J’avais finalement lâché prise !!! Un sentiment incroyable de laisser-aller !

Je suis sortie de la dépression après de nombreux effondrements. Avec de la thérapie psychologique pendant de nombreuses années, j’ai appris à accepter et à changer mes perspectives, afin de pouvoir embrasser et profiter pleinement de la vie avec mon mari, mes enfants et mes proches. Dieu a fait de moi une femme chanceuse en m’envoyant cet homme merveilleux qu’est mon mari et qui a été à mes côtés pendant une bonne partie de cette longue bataille contre l’alopécie.

J’ai choisi de faire face à cette bataille en acceptant que je souffre d’alopécie, et en décidant que n’aurai plus honte de quelque chose sur laquelle je n’ai aucun contrôle. Je ne continuerai pas à me battre contre ce sentiment de tristesse, d’insécurité et d’embarras. J’ai plutôt choisi de reconnaître ma valeur et de me sentir aimée et respectée. Je raconte publiquement mon histoire parce que je voudrais que les gens sachent que même après des années de lutte, en fin de compte, lâcher prise et vivre sa vie est possible, car il y a des moments de la vie qui méritent d’être appréciés pleinement. Sois heureux (e) avec ce que Dieu t’a donné. Apprends à t’aimer toi-même pendant que le temps permet à ton esprit, ton corps et ta personnalité profonde de changer. Améliore ce qu’il y a de beau en toi. Fais quelques changements si tu veux, mais à la fin, sois heureux avec qui tu es. La vraie beauté est dans l’acceptation de soi, dans la perception et l’amour de tes proches. Ton corps est ton navire, la façon dont il a été construit n’est pas une donnée que tu peux contrôler. Mais comment tu le conduis et le traite te permettra d’accomplir ce que tu souhaiterais accomplir dans cette vie. Ce cheminement m’a conduit exactement là où je devais arriver et cela me convient.

Je choisis de porter une perruque pour le degré de confiance que cela me donne. Ce sentiment que toutes les femmes ont quand elles ont une tête couverte de cheveux. Ce style « get-up-and-go » qui m’aide à traverser la journée sans être dévisagée, abordée ou questionnée au sujet de mon mal. Je me bats tous les jours pour rester confortable dans ma peau et je sais que cela va prendre du temps. La conscience que j’ai de ma valeur ne dépend pas de mes cheveux ou de mon apparence. Elle me vient de mon authenticité et du fait d’être toujours honnête envers moi-même et envers ceux que j’aime.

J’encourage d’autres personnes à parler de leur histoire et d’ouvrir leur esprit. Tout le monde a des qualités et aussi des défauts physiques ou de personnalité.

Il est bon d’être authentique et de s’affirmer face aux autres. La vie est courte. Vivez-la.

J’ai traversé ce cauchemar intérieur. Je me suis battu avec, je l’ai géré, j’ai vécu avec et aujourd’hui j’ai décidé de prendre le contrôle. Les sacrifices que j’ai dû faire pour prendre soin de moi toutes ces années ont fait de moi la personne que je suis aujourd’hui. J’ai de la chance ! Je suis forte ! Je suis belle ! Aujourd’hui : Je suis en train de guérir. Je me redécouvre moi-même. Je recommence à zéro.

Angelica Valentin Avril