« Gade machè mete fanm sou wou », « gason pa kriye », « Bay dèyèw de tap » sont autant d’exclamations bien intentionnées  que souvent  l’entourage  inflige à un  proche qui a l’air  sombre, préoccupé ou triste, avec  l’illusion qu’il peut brusquer cette personne « pour son propre bien ».

Le terme « déprimé » ainsi que d’autres expressions comme «  burnout » et « dépression nerveuse », sont utilisés dans le langage populaire pour maquiller cette condition prolongée de tristesse, de fatigue, qui, le plus souvent, diffère de la réaction normale face à certains évènements.

Loin d’être uniquement ce sentiment qui nous révèle à nous même comme être sensible, la tristesse peut être une émotion appropriée à une circonstance, par exemple un deuil, une séparation, une perte d’emploi, un échec… Mais elle peut être comme la fièvre un signe d’alarme, nous indiquant qu’il y a une maladie physique et particulièrement psychique à trouver, surtout quand elle s’ajoute à d’autres symptômes chez l’individu, comme l’insomnie, la perte d’intérêt, la baisse d’énergie, une perte de poids marquée, un déplaisir pour les activités qu’il appréciait avant.

Le langage scientifique de son côté retient le terme de « dépression » pour désigner ce trouble affectif, caractérisé par une perturbation de l’humeur à laquelle se greffent plusieurs symptômes, dont ceux décrits plus haut, et qui altère le fonctionnement de la personne atteinte. « C’était une femme très ouverte, maintenant on la sent toute refermée sur elle-même », « Mon fils, c’était un premier de sa classe, maintenant j’ai l’impression que plus rien ne l’intéresse » !

Gestes et démarches plus lents, autoaccusation, pessimisme, culpabilité, perte d’intérêt à l’égard de la sexualité, de la nourriture et des loisirs, difficultés de concentration, plaintes somatiques comme les palpitations, sensation de pression thoracique, vertiges, sueur abondante, diarrhée, constipation, mictions plus fréquentes, surtout chez la personne âgée, surinvestissement dans le travail chez certains hommes,  irritabilité chez les enfants, opposition chez l’adolescent, peuvent prédominer  sur la tristesse et tendre à masquer la dépression. Habituellement, l’ensemble des symptômes dépressifs évolue de façon progressive durant plusieurs semaines, voire plusieurs mois. Souvent, le déprimé pense à la mort,  jusqu’à la tentative de suicide.

La dépression est  une maladie psychique au même titre qu’une maladie physique, c’est généralement l’expression d’une souffrance, qu’elle soit perçue par la personne elle-même ou par son entourage. Elle est une souffrance  psychologique qui est désagréable à percevoir, à écouter et à contenir, et elle s’accompagne d’une grande vulnérabilité. Enfant, adolescent, femme, homme, personnes âgées, femmes enceintes et allaitantes peuvent souffrir  de dépression.

Les évènements de vie stressants jouent le rôle déclencheur de la maladie (échecs sentimentaux, professionnels, chômage, deuils répétés, viol, maltraitances), mais aussi les anomalies génétiques, les modèles de comportement familiaux rencontrés pendant l’enfance, expériences d’abandon, isolement social, etc. peuvent être à la base de la dépression et entrainer ce sentiment de dégout à la vie.

Suicides, accidents, arrêts de travail, conduites additives sont autant de retentissements  de la dépression qui sont très lourds pour l’individu et la collectivité. L’OMS classe la dépression parmi les maladies les plus couteuses et les plus problématiques dans le monde.

Si on peut être en équilibre à un moment donné, dans une année particulière, ce n’est nullement une garantie que ce sera le cas le lendemain ou l’année suivante. La santé mentale, de par sa nature, dépend en grande partie des représentations de chacun,  de notre conception du bonheur, de notre capacité à faire face aux difficultés de la vie et de la qualité de nos liens  avec l’entourage. Une bonne hygiène mentale, un bon réseau de soutien, un accompagnement médicopsychosocial, aident à sortir de la dépression !

Fritzna Blaise,

Médecin-Psychiatre

Présidente de AHPSAM