«Haiti is good for women», m’a dit un jour une collègue de travail originaire du Ghana. Cela m’avait étonnée, car travaillant avec des victimes de violence, en particulier du viol, la méchanceté de trop d’hommes haïtiens ne cesse de m’offusquer. Nous avons certes accès au travail, notre parole est respectée, plusieurs d’entre nous occupent des postes de haut niveau dans tous les secteurs. Mais beaucoup de femmes, en dépit des postes occupés, ont à faire face dans le milieu du travail au paternalisme, au sexisme, au machisme qui débouche trop souvent sur du harcèlement sexuel.

J’aurais préféré écrire un article à l’intention des hommes sur comment arrêter de harceler sexuellement les femmes. Mais pour le moment, on se limitera tout simplement de rappeler aux hommes d’avoir pour règle d’or : « Dans le cadre du travail je ne flirte pas, je ne courtise pas, je n’ai pas de rapports sexuels avec mes collègues. » Et vous, patrons hommes ou femmes, ayez pour règle le « zéro tolérance » pour ces comportements. C’est difficile, car il faut parfois se défaire d’employés très compétents si l’on veut combattre le harcèlement en milieu du travail.

En milieu professionnel, mesdames, n’acceptez que les compliments qui ont rapport avec vos compétences et votre performance professionnelles. Les compliments sur votre beauté, même quand ils sont flatteurs et agréables à entendre, refusez-les. Souvent, prêtez attention, la personne qui vous fait ce compliment est peut-être en train de vous détourner d’une question de travail qu’il veut éviter. Vous pouvez rapidement remettre quelqu’un à sa place sans jamais perdre votre sourire. Par exemple : « Ah vraiment ? Merci ! Donc, nous disions… » ou « Restons dans un cadre professionnel… ». Un collègue qui n’est pas malintentionné comprendra rapidement et ne recommencera pas.

Les difficultés s’installent quand la personne insiste, manipule, utilise son pouvoir pour essayer d’établir une relation spéciale de manière détournée avec vous. Généralement, un harceleur arrête lorsque vous exposez au grand jour ses agissements. Il saura que vous ne tomberez pas dans son piège. Par exemple, s’il vous envoie un texto, dites-lui devant d’autres, que vous avez bien reçu ce texto, et lisez-le à haute voix si c’est un commentaire déplacé. N’ayez pas peur d’embarrasser quelqu’un qui vous harcèle. Il n’est pas amoureux de vous ; ce n’est pas la chance de votre vie qui passe. C’est quelqu’un qui ne sait pas respecter les limites des autres et utilise sa position pour abuser sexuellement des femmes.

Ne faites pas face à cette situation seule, parlez-en à la maison, à d’autres collègues. Éviter les situations où vous êtes seule avec cette personne, en refusant de prendre des « woulib », par exemple ; en refusant de travailler tard seule avec lui. Si c’est votre patron, il vous appelle à son bureau, laissez savoir à une collègue que vous allez au bureau du boss et restez à la porte. S’il vous dit d’entrer, avancez dans la salle et ne fermez pas la porte après vous, même s’il vous le demande.

N’acceptez pas d’être touchée dans le cadre du travail : caresse, embrassade, vous tenir par la main ou s’appuyer sur vous… Si la personne insiste malgré votre refus, soyez plus ferme, dites un NON sec et fort. N’ayez pas peur de passer pour une niaise, une agressive ou une personne pleine d’elle-même. Vous n’obtiendrez que plus de respect en réalité. Ils diront de vous : « Fanm sa a pa jwe. Li voye moun anlè, li pa atrap yo, sa w wè a se sa… »

Évitez les échanges par courriel uniquement entre vous et cette personne. D’ailleurs, par principe, toujours copier quelqu’un d’autre lorsque vous écrivez un courriel dans le cadre du travail.

Comment identifier immédiatement qu’il y a possibilité de harcèlement ? Tout ce qui sort du cadre d’échanges strictement professionnels, qui vous met mal à l’aise, est probablement un début de harcèlement.

Aussitôt que le comportement d’un collègue vous semble déplacé, qu’il vous importune, que vous avez dû trop souvent le remettre à sa place, gardez un journal des différents événements, inscrivez la date, le lieu, les personnes présentes, décrivez l’événement, vos sentiments (si vous avez eu honte, peur ou avez été effrayée…). Ceci vous sera d’un grand service si vous décidez de porter plainte auprès du responsable des Ressources Humaines. Avant de porter plainte au RH, renseignez-vous sur les règlements de l’institution dans le cas où quelqu’un est victime de harcèlement. Si les ressources humaines ne font rien, allez directement à la direction. Si le harceleur est le patron, portez plainte au ministère des Affaires sociales et du Travail et au ministère à la Condition féminine et aux Droits des Femmes.

Si vous vous sentez perdue et sans recours, consultez un psychologue qui vous aidera à renforcer votre estime de soi, à apprendre à vous affirmer, et vous aidera à déterminer quelle est la meilleure manière de faire face à cette situation pour y mettre fin.

Pour finir, j’insiste sur le fait que même si nous vous offrons ces différentes manières de vous protéger du harcèlement sexuel, sachez que vous n’avez rien fait pour mériter d’être harcelée. Nous ne penserions jamais à accuser quelqu’un dont la maison a été cambriolée d’avoir facilité ceci, parce qu’il n’avait pas de fers forgés, de barrière ou de gardien de nuit pour protéger sa demeure, même quand tout cela sert à éloigner les criminels. Femme, c’est à vous de vous protéger contre le harcèlement ! Observez comment sont traités vos collègues masculins et exigez le même niveau de respect. Vous vous construirez ainsi un mur de défense que même le plus futé des harceleurs ne saura briser.

Béatrice Dalencour Turnier, Psychologue