Haïti est un pays de jeunes. Mais c’est une majorité mal servie. Pourtant, les vœux pieux et les bonnes intentions à l’égard de cette jeunesse ne manquent pas. « Investir dans les jeunes, c’est préparer l’avenir », clamait le ministre de l’Éducation, M. Nesmy Manigat, lors d’une énième journée de réflexion sur la jeunesse haïtienne, c’était à l’occasion de la Journée mondiale de la population, le 11 juillet 2014.

Qu’offre-t-on à nos jeunes, autres que les paroles et les promesses?

J’aurais pu répondre:” presque rien” et terminer l’article. En enlevant le budget de fonctionnement, il resterait 3 millions de gourdes, comme fonds d’investissement pour les activités de sports, loisirs et d’éducation civique selon ce que m’a rapporté le Directeur des services à la Jeunesse du ministère, M. Olivier. Avec moins d’une gourde en moyenne, par jeune; nous comprenons que la Jeunesse n’est pas dans la ligne prioritaire du gouvernement durant cette fin d’exercice fiscale.

Est-ce que l’offre de services réservée aux jeunes a déjà été meilleure?

La tâche de s’occuper du temps libre des jeunes revient au Ministère de la Jeunesse, des Sports et de l’Action civique (MJSAC), tandis que l’instruction, l’éducation et la formation relèvent de la responsabilité du Ministère de l’Éducation. Lors de ma rencontre avec des directeurs de services du MJSAC, deux constats frappants: – La volonté manifeste de mettre en branle les nombreux projets oubliés sur les tablettes – L’absence de cohérence entre les différents programmes actuellement offerts, dans un cadre global de politique nationale en faveur de la jeunesse haïtienne. Résultat : Une pléiade de petits projets à impacts limités et sans suite.

Et qui sont les victimes ?

Les jeunes. Ils sont nombreux (61% de la population) à n’avoir pas accès aux loisirs. Pourtant, les programmes récréatifs (des activités qui développent des habiletés non scolaires dans le domaine du sport et des arts) sont avantageux pour les enfants et les jeunes à plusieurs niveaux. Ces programmes ont le potentiel d’améliorer l’estime de soi tout en inculquant des habiletés, et ils peuvent ouvrir la porte à des voies de développement pour les jeunes qui enrichiront leur qualité de vie non seulement pendant leur développement mais tout au long de leur vie. Dan OFFORD, le directeur du Centre canadien d’étude sur les enfants à risque, nous informe que des études ont montré qu’un programme de développement des habiletés sportives et culturelles de premier ordre offert aux enfants de familles à faible revenu âgés de 5 à 15 ans donne lieu non seulement à un taux de participation élevé dans la vie de la communauté et à des améliorations marquées des aptitudes, mais aussi à une réduction des conséquences de comportements antisociaux constatés par la communauté.

Il est donc clair que l’absence de programmes de loisirs pour les jeunes pourrait entrainer leur marginalisation et un taux croissant de comportements antisociaux, de personnes à faible estime de soi, d’individus ignorant des valeurs comme le partage, l’échange, l’esprit d’équipe, le respect des règles et le respect des autres…bref, des individus incapables de se structurer psychiquement, physiquement et émotionnellement.

Depuis 2010, en moins de 7 années, 6 ministres ont occupé le fauteuil du Ministère de la Jeunesse, des Sports et de l’Action civique. Cette instabilité laisse perplexe. Interrogeons-nous sur l’importance accordée à ce ministère par l’État qui le gère et la société qui ne réagit pas. L’offre du Ministère est incomplète et faible, elle est dirigée vers les catégories défavorisées de la société, mais tarde à créer la masse critique nécessaire pour être significative et apporter des changements réels. De plus, aucune activité ne vise un brassage social dont les occasions sont de plus en plus rares dans notre société, ce qui réduit les liens et le réseautage entre jeunes de différentes catégories sociales. Souhaitons une prise en charge réelle de la jeunesse par un Ministère qui cessera d’être la monnaie d’échange pour satisfaire les parlementaires qui auront voté du bon bord. Pourquoi ? Parce qu’avoir une vie saine, épanouie, et avoir accès à des loisirs, ce sont des droits que tout jeune devrait pouvoir jouir.

Aly Acacia

Village Santé