CONTRACEPTION : Les méthodes disponibles pour les jeunes – Interview avec le Dr. Stéphane Docteur.

En Haïti, les méthodes de contraception sont mal perçues par les jeunes. Pourtant, le choix d’une de ces méthodes aurait pu aider à prévenir des grossesses non désirées, réduisant du même coup le nombre de cas de mortalité maternelle dont le taux est assez alarmant pour Haïti. Village Santé a rencontré le Dr Stéphane Docteur de OHMaSS (Organisation haïtienne de Marketing social pour la santé) pour nous parler des méthodes disponibles pour les jeunes.
Village Santé : D’abord, c’est quoi une méthode de contraception ?
Dr Stéphane Docteur : Une méthode de contraception est un moyen utilisé pour éviter, de façon réversible et temporaire, la fécondation d’un ovule par un spermatozoïde. Autrement dit, c’est un moyen visant à empêcher une grossesse. Les méthodes de contraception, à l’exception des méthodes de stérilisation chirurgicale, sont réversibles et temporaires. La femme retrouvera sa fertilité une fois la méthode arrêtée.
V.S : Nous savons qu’en Haïti les jeunes ne se sentent pas concernés par les méthodes de contraception. Qu’est-ce qui explique ce refus selon vous ?
S.D : Plusieurs facteurs sont à considérer. Il y a d’abord l’approche qu’on a faite de la contraception. Elle a été pendant longtemps présentée comme partie intégrante de la Planification familiale. Cette réduction a eu pour conséquence de repousser les jeunes, lesquels ne se voient pas encore en mesure ni prêts à créer une famille. Il y a ensuite les mythes dont le plus fameux est celui selon lequel les méthodes sont pour des femmes ayant déjà un enfant. La discrimination et le jugement des prestataires de service et de la société en général, la pression familiale, la peur (car ils ne sont pas assez informés sur les méthodes), etc. Tous ces facteurs concourent à éloigner les jeunes de la contraception.
V.S : Et pourtant la contraception aurait aidé à résoudre plein de problèmes…
S.D : Justement. La contraception permet à un jeune de planifier sa vie en termes de choix et d’options. Le fait est que les jeunes sont sexuellement actifs. Par sexuellement actifs, n’entendez pas avoir des relations sexuelles chaque jour ou plusieurs fois par jour ; dès qu’on commence à avoir des relations sexuelles, que ce soit une fois par semaine ou par mois, on est sexuellement actif. Et aussitôt, le risque de tomber enceinte est présent. L’adoption d’une méthode de contraception permet donc d’avoir des relations sexuelles sans courir le risque d’une grossesse non désirée, et les complications qui vont avec.
V.S : Parlons maintenant des méthodes de contraception. Quelles sont celles qui sont disponibles pour les jeunes ?
S.D : Il faut d’abord préciser une chose : mises à part les méthodes définitives (vasectomie et ligature des trompes), toutes les méthodes sont disponibles pour les jeunes. Dès que l’on acquiert la capacité de procréer, on peut adopter une méthode de contraception. Cela ne dépend pas de l’âge. Toutefois, deux choses, entre autres, sont à respecter dans l’adoption d’une méthode : le choix éclairé fait par l’intéressée et les critères d’éligibilité. C’est donc de concert avec le prestataire, lequel fera le counseling pour expliquer les avantages et inconvénients de chaque méthode, vérifiera les critères d’éligibilité et évaluera la personne intéressée, que le choix d’une méthode est fait.
Ensuite, quand nous parlons de méthodes de contraception, nous parlons surtout des méthodes modernes de contraception, c’est-à-dire celles qui font appel à un objet ou une substance (un produit, un médicament, une molécule) dont le but est d’empêcher une grossesse. En Haïti, on a surtout les préservatifs (capote) que nous encourageons toujours, les méthodes hormonales (comprimés, injectables, implants), le Dispositif intra-utérin, le système intra-utérin (dispositif intra-utérin avec hormone) et les contraceptifs d’urgence. On n’a pas encore développé de méthodes hormonales de contraception pour les hommes. Pour eux, il y a les préservatifs.
V.S : Supposons qu’une jeune fille de 16 ans choisisse une de ces méthodes, pensez-vous que ses parents comprendraient ? Ne faudrait-il pas éduquer aussi les parents sur l’importance de la contraception pour leur fille?
S.D : Effectivement. Il faut aussi éduquer les parents et la société en général. Car la société haïtienne en général est un peu rétrograde par rapport à la contraception. Ailleurs, les parents eux-mêmes emmènent leurs filles chez le médecin pour le choix d’une méthode, car on sait que les jeunes ont des relations sexuelles. En Haïti, beaucoup de mœurs, coutumes et croyances contribuent à faire ignorer des réalités pourtant évidentes; on sait que la chose est là, mais on ne veut pas l’aborder, soit par pudeur, par limitation ou par déni. Nous sommes des experts en marronnage. Il est temps que nous parlions ouvertement de la contraception afin de protéger nos jeunes des dangers qui les guettent.
V.S : Il y a aussi des parents qui peuvent être inquiets, par rapport aux effets secondaires ou qui se demandent si le choix d’une méthode ne compromet pas le développement de leur fille encore adolescente. Non ?
S.D : C’est légitime. En ce qui concerne les effets secondaires : tout médicament a des effets secondaires qui lui sont associés, même une aspirine. Il faut d’abord connaitre les effets secondaires du médicament pour pouvoir les identifier au cas où ils se présentent, car – autre vérité – ce n’est pas chez toutes les personnes qui utilisent un médicament que les effets secondaires apparaitront. De plus, les méthodes de contraception présentent toutes des effets secondaires contrôlables. Avec un bon counseling, tout se passera sans problème. Mais, si la personne elle-même ne supporte pas une méthode, elle peut la changer avec l’avis de son médecin. De nos jours, nous avons des méthodes micro-dosées (c’est-à-dire avec presque pas d’effets secondaires) et aussi des méthodes sans hormones.
Aucune méthode ne compromet le développement de la femme. Aucune. Une fille de 15 ou 16 ans qui utilisent une méthode de contraception ne va nullement s’exposer à des problèmes de développement ou de croissance.
V.S : Un mot aux jeunes ?
S.D : Aux jeunes de mon pays, je leur recommande de prendre leur vie en main en adoptant un comportement apte à les aider à éviter toutes sortes d’accidents et problèmes qui peuvent hypothéquer leur avenir. Pour jouir de votre sexualité sans courir de risques, visitez un médecin ou un autre professionnel de la santé qui vous donnera des conseils éclairés sur le choix d’une méthode. Les méthodes de contraception sont disponibles dans les institutions sanitaires : hôpitaux, centres de santé, centres médicaux, cliniques privées ; il y en a qui sont en vente libre dans les pharmacies, et des institutions, comme OHMaSS par exemple, ont des unités de clinique mobile qui apportent sur le terrain les services. Tout est fait pour que vous soyez protégés, le reste ne dépend que de vous.
Entrevue réalisée par Johnny Jean
Village Santé
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