Très peu connue en Haïti, la rhumatologie est cette branche de la médecine qui s’occupe des maladies de l’appareil locomoteur. Cette spécialité de la médecine se différencie de l’orthopédie en ce sens qu’elle s’occupe du diagnostic et du traitement des maladies de l’appareil locomoteur, c’est-à-dire celles qui frappent les articulations, les ligaments, les tendons, les muscles et les os, alors que l’orthopédie est une discipline essentiellement chirurgicale qui s’occupe des accidents (affections acquises ou congénitales) de ces mêmes éléments de l’appareil locomoteur.

Les maladies rhumatismales, regroupées sous le générique de rhumatismes, touchent un nombre assez important de la population haïtienne. Nous ne disposons pas malheureusement de chiffres pour Haïti, mais on sait que selon l’OMS, la polyarthrite rhumatoïde, qui débute souvent entre 20 et 40 ans, est une pathologie chronique invalidante qui touche entre 0,3 et 1 % de la population mondiale, et l’arthrose, dont beaucoup de personnes sont atteintes chez nous, est l’une des 10 maladies les plus invalidantes, elle limite les mouvements des sujets atteints dans 80 % des cas et 25 % se retrouvent dans l’impossibilité d’exécuter les tâches de la vie quotidienne.

Pour desservir une population d’environ 10 millions d’habitants, Haïti ne dispose que de 2 rhumatologues, et les deux exercent dans la région de Port-au-Prince. En général, les patients souffrant de rhumatismes sont vus par des médecins généralistes ou par des orthopédistes. Ceux-là aident, car ils soulagent le patient, mais avec leurs limites. Les patients sont très souvent mal diagnostiqués et, par conséquent, ne sont pas traités. Or, les conséquences d’un rhumatisme qui n’est pas diagnostiqué précocement et traité à temps peuvent être extrêmement graves ; allant de la déformation définitive de certains membres (une fois le cas aggravé, on ne peut plus rien faire) jusqu’à une invalidité.

Les rhumatismes, du moins la majorité d’entre elles, ne peuvent être prévenus. Des recherches ont montré qu’ils résultent de la concordance d’un terrain familial prédisposant et d’un facteur externe déclenchant. De plus, ce sont pour la plupart des maladies auto-immunes, c’est-à-dire créées par l’organisme lui-même : le corps fabrique des anticorps et les envoie sur les articulations, ce qui provoque des inflammations. C’est le cas de l’arthrite rhumatoïde, du lupus, de la sclérodermie, etc. Si on ne peut pas prévenir les rhumatismes, on peut prévenir, par contre, leurs complications. Et cette prévention passe nécessairement par un diagnostic précoce.

Trois facteurs sont à considérer dans toute démarche visant à soulager les personnes souffrant de rhumatismes en Haïti. D’abord, la formation de ressources humaines. Avec deux rhumatologues pour toute une population, on est mal barré. Les facultés de médecine, les autorités publiques et les étudiants devraient être conscients du problème et agir. Ensuite, les ressources matérielles. En dépit des efforts qui ont été faits, beaucoup de tests de laboratoire en rhumatologie ne sont pas disponibles. En dernier lieu viennent les médicaments. Ils constituent jusqu’à maintenant un problème majeur en rhumatologie. Nous utilisons les médicaments pour soulager la douleur, ce que toutes les branches utilisent, mais ceux spécifiques à la rhumatologie ne sont pas en vente sur le marché.

Les rhumatismes, ce sont des maladies chroniques avec lesquelles on peut vivre normalement lorsqu’elles sont prises en charge. Mais il y a des efforts à faire. D’abord au niveau individuel, s’informer pour arriver au traitement adéquat est primordial. Mais au-delà de la responsabilité individuelle, il y a une action collective à poser. Chaque acteur (MSPP, facultés de médecine, laboratoires, importateurs de médicaments, etc.) devrait agir en ce qui le concerne. Et agir vite. Parce qu’en attendant, trop de gens souffrent.

Dr Rachel Edouard Noel

Rhumatologue

Village Santé