Passé l’émoi instantané d’un accident, l’insécurité routière n’est pas une préoccupation permanente. Le banditisme, par exemple, fera l’objet de plus de peur et de plus d’attention de notre part. Or, le comportement des usagers de la voie publique et les conditions des routes  peuvent être aussi criminels que les bandits. Les accidents de la route sont, justement, la première cause de décès, chez les jeunes âgés de 15 à 29 ans, selon l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS).

En Haïti, ce sont les piétons, motocyclistes, et usagers de transports publics (communément appelés les usagers vulnérables) qui sont le plus souvent victimes. L’augmentation du parc automobile et l’arrivée massive des motocyclettes combinées au laxisme des règlements routiers entraînent une augmentation fulgurante des blessés et des morts dus aux accidents.

“Deux morts et dix blessés par jour”. Ceci est en moyenne le nombre de victimes selon les sources statistiques du Centre Ambulancier National (CAN). Ces chiffres partiels, datant de 2015, démontrent déjà que nous faisons face à une catastrophe. Quelle est la situation dans les régions non touchées par le service du CAN?

Que se passe-t-il sur les sentiers escarpés de nos mornes où nos motocyclistes suivent les sentiers étroits réservés aux cabris et autres quadrupèdes?

On n’est pas toujours conscient des dangers et du facteur de risque. Les croyances répandues veulent que les accidents soient l’œuvre de Dieu pour infliger une punition ou du voisin, avec l’aide du diable.

Selon l’inspecteur Fidèle Finéus du Service de la Circulation, les accidents sont liés à trois facteurs fondamentaux : la négligence, l’imprudence et la qualité des routes. La plupart du temps, sur nos routes nationales, les accidents surviennent lors des dépassements ou des croisements, poursuit-il. La solution est simple mais coûteuse. Des routes plus larges, multivoies, à sens unique, séparées par un terre-plein, réduiraient considérablement les risques. Bien sûr, la question budgétaire est soulevée. Plus de la moitié des tronçons de routes construites sont financées par l’international.

Les problèmes sont connus. Au fait, il existe une Stratégie Nationale de la Sécurité Routière. L’étude, démarrée en 2012, avait un triple objectif.

  1. a) Évaluation de la situation,
  2. b) Établir une stratégie sur 5 ans,
  3. c) Développer un plan d’action sur 3 ans, avec les agents responsables de la sécurité routière.

Très peu des recommandations de ce rapport sont adoptées et mises en application. La période d’application pourtant est de 2015 à 2020.

Les données scientifiques permettent d’agir sur les différentes problématiques de la circulation. Malheureusement, la volonté politique se réfugiant sous des prétextes budgétaires ou du faible niveau de la population, paralyse le système. Les solutions doivent tenir compte des contraintes socio-économiques du pays et non l’inverse. Une tranche de la population détenteur de permis de conduire est une minorité avec laquelle l’État entretient des rapports répétitifs. Contraindre cette clientèle à l’adoption de comportements adéquats est faisable.

Les comportements risqués des masses peuvent être contrôlés. Il est coutumier de voir sur nos routes des véhicules destinés aux transports publics surchargés et peu sûrs. Bien entendu, le manque d’informations, les conditions socio-économiques expliquent sans justifier de telles prises de risque. L’État justement se doit de protéger le citoyen, contre lui-même puisqu’il est connu que le poids d’un véhicule agit directement sur la distance de freinage. Il est vital de promulguer et de faire appliquer des lois. Il est également impératif que des campagnes de sensibilisation via les médias retiennent quotidiennement l’attention des citoyens.

Les limitations de vitesse, en fonction de chaque type de route, sont des mesures incontournables en Haïti quand nous savons que la tranche d’âge la plus susceptible de se faire renverser par un véhicule est justement, les jeunes enfants entre 4 et 15 ans, la clientèle scolaire.

Les données relatives aux accidents recueillies par la police doivent être accessibles. Elles doivent être partagées avec les institutions susceptibles d’intervenir auprès des blessés. Elles guideront le personnel hospitalier dans l’allocation des ressources en fonction des besoins effectifs. Ceci nous amène à considérer le comportement spontané des bons samaritains qui veulent secourir les accidentés, alors qu’ils n’ont ni formation ni informations pour être efficaces, causant des torts irréparables. Il ne s’agit pas d’interdire mais d’encadrer la population en l’encourageant à poser les bons gestes de base et surtout à être prêt à appeler aux numéros d’urgence, connus de tous.

Les pouvoirs publics doivent veiller à ce que les institutions chargées de prendre les mesures de redressement  de la situation disposent des ressources matérielles et humaines pour le faire, à leur niveau respectif. Des décisions politiques doivent être prises, car les accidents de la route affectent des familles par des conséquences à long terme et font peser un lourd fardeau sur notre système de santé.

 

Aly Acacia

Village Santé