“La Dépression, parlons-en encore une fois”

“Dépression: parlons-en”. Tel est le titre de la campagne menée par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), débutée lors de la Journée mondiale de la santé le 7 avril dernier, et qui se poursuit encore à l’occasion de la Journée mondiale de la santé mentale. Cette campagne vise à inciter les personnes qui sont atteintes de dépression à travers le monde à chercher de l’aide et à faire en sorte qu’elles l’obtiennent. Selon l’OMS, la dépression est la première cause de morbidité et d’incapacité dans le monde et touche, selon ses dernières estimations, plus de 300 millions de personnes.
Qu’est-ce que la dépression ? : La dépression est une maladie mentale qui se caractérise par une tristesse persistante, un manque d’intérêt ou de plaisir pour les activités qu’on aime faire habituellement, une perte d’énergie nous empêchant de mener nos activités quotidiennes, ce, pendant une période de deux semaines ou plus. Les personnes atteintes de dépression présentent par ailleurs plusieurs des symptômes suivants : baisse de la concentration; dégradation de l’estime et de la confiance en soi; sentiment de culpabilité, de dévalorisation ou de désespoir; vision sombre et pessimiste de l’avenir; idées ou actes autodestructeurs et suicidaires ; sommeil et/ou appétit perturbés.
La dépression se distingue des réactions émotionnelles négatives passagères face aux difficultés du quotidien. Elle dure davantage et est de plus forte intensité, conduisant dans certains cas au suicide. En effet, chaque année près de 800 000 personnes meurent en se suicidant, et parmi elles, une grande partie se situe entre 15 et 29 ans.
Bien qu’il existe des traitements efficaces pour la combattre, il est malheureux de constater que moins de la moitié des personnes qui sont touchées, et dans certains pays moins de 10%, accèdent à ces traitements. Le manque de ressources, de soignants qualifiés, de soutien, la stigmatisation sociale associée à la maladie mentale, sont autant d’obstacles à ces soins. Souvent, par crainte d’être stigmatisées ou discriminées, bon nombre de personnes affectées par la dépression n’en parlent pas et ne recherchent pas d’aide.
Or, «pour celui ou celle ayant une dépression, indique le Dr Shekhar Saxena, Directeur à l’OMS du Département Santé mentale et abus de substances psychoactives, le fait de parler à une personne de confiance est souvent le premier pas vers le traitement et la guérison».
Dans le cas d’Haïti, où les besoins psychologiques ou manifestations émotionnels sont souvent minimisés, une personne souffrant de dépression peut se heurter à des réactions verbales du type : « tu dois te secouer, rele sou kò w, sortir de ta léthargie », comme si ce n’était qu’une question de volonté alors qu’en réalité elle n’en est pas capable. Elle peut aussi s’entendre dire qu’elle doit sécher ses larmes, se montrer forte, cesser de se plaindre ou de se lamenter sur son sort.
Ce genre de réactions de la part des proches, loin d’être aidantes, renforcent les sentiments de solitude et de culpabilité déjà présents chez la personne dépressive. Celle-ci se sent incomprise, jugée, incapable de suivre les conseils de ses proches voire « nulle » (dévalorisation de soi) de ne pas y parvenir et s’enfonce dans son mal-être.
La meilleure approche si on veut l’aider, est d’offrir à cette personne une écoute, la possibilité de parler de ce qu’elle ressent et vit intérieurement sans banaliser son vécu. Le message qu’elle en tirera est qu’elle n’est pas seule, que sa souffrance est entendue et reconnue, ce qui d’une certaine façon en allègera le poids. Tout en reconnaissant ses difficultés d’agir et en respectant son rythme, l’entourage peut l’encourager à poursuivre dans la mesure du possible les activités qu’elle trouvait habituellement plaisantes, même si celles-ci lui apparaissent aujourd’hui sans intérêt ; à s’efforcer de maintenir un cycle de sommeil régulier ; à pratiquer une activité physique régulière ; à reprendre une activité sociale pratiquée auparavant et si ces options sont possibles, la référer vers un psychiatre pour qu’elle ait accès à une prescription d’antidépresseurs et vers un-e psychologue pour entamer une psychothérapie.
Nathalie Coicou
Psychologue clinicienne
Bibliographie :
www.who.int/mediacentre/news/releases/2017/world-health/fr/
www.who.int/campaigns/world-health-day/2017/fr/
Guide d’intervention mhGAP, Organisation Mondiale de la Santé, Programme d’action combler les lacunes en santé mentale.