Témoignage: se battre ou abandonner ?

Dépression! Un mot qui pue de la gueule, d’une laideur effroyable. Un mot qui répugne et qui révulse. Un mot si profond, si dur et pourtant si pris à la légère par l’Autre, par les Autres!
Dépression…dépression!
Et moi, je m’immerge corps et âme au fin fond de cette bouteille de rhum brun, toute éclatée dans le désespoir voulant tant m’accrocher à cette gorgée chaude, qui me soulagera un peu, un tout petit peu… Une minute, peut être un instant.
J’aimerais vomir, vomir tout rouge, sanglots vert fluor! La cervelle morcelée sur un tas d’ordures, laissée pour compte. Je voudrais saigner, puer des tripes, paralysée sur un fauteuil roulant.
Dis-moi, s’il te plait, dis-moi, comprendrais-tu alors cette souffrance qui arrache? Comprendrais-tu ma déchirure, mes ténèbres familières, si familières?
Plus la moindre étincelle au fameux tunnel. Noirceur de pénombre. Dans ma tête, le vide total, mutisme. Pas d’énergie pour aller pisser. Perdue, même pas l’envie d’avoir envie. Le cœur meurtri, je ne veux pas bouffer. Tout s’en va, tout s’envole! Même les fruits de mes propres entrailles ne me donnent plus souffle de vie. Je ne veux pas me doucher, je suis fatiguée, épuisée… J’ai besoin de disparaitre, ou de ne plus exister. Je plonge, je glisse, je m’enfonce!
Et toi que mon haleine répugne, que mon odeur nauséabonde indispose, tu cours, tu cours à toute vitesse et à toute allure pour éviter mon regard vide. Transparent, état de non-existence. Je n’existe pas!
Que diras-tu quand sur ma tombe, tu déposeras ta dernière rose ?
Si mon texte s’arrêtait là, je manquerais d’honnêteté, et cela, je ne le peux pas.
La dépression est une maladie aussi réelle que toute autre maladie physique. Cependant, elle ne se voit pas toujours. Elle est d’autant plus grave que souvent, elle entraîne et est très séduisante pour l’angoisse. Angoisse! Voilà un autre enfer!!! Le tourbillon devient alors plus puissant et nous emporte dans un monde parallèle, une dimension toute autre. Alors là, que faire ? Sous l’emprise de ces démons qui ne sont nulle autre part que dans ma tête, qui tournent et tournent en se moquant de moi, j’explose en sanglots engorgés et j’étouffe.
Il serait juste alors de se demander pourquoi ne pas simplement se tirer une balle dans la tête ? La réponse est simple : la VIE est un cadeau! Un cadeau qui cache tant de secrets merveilleux! Les chants des oiseaux au petit jour. Les vagues qui s’écrasent contre les rochers et font la course pour caresser mes orteils accueillants. Mettre une étincelle d’espoir et faire scintiller les yeux de quelqu’un d’abattu, de brisé. Nous avons tous ce don. Caresser les joues d’un enfant et se laisser éblouir par son sourire taquin. Oui, ces moments aussi existent. Cent fois je suis tombée… cent une fois je me suis relevée. Je refuse de rester à plat la terre. Laisse-moi te le dire. Toi qui lis ce texte et qui souffres d’une pathologie mentale, je te rendrai peut-être furieux en te disant que la clef est entre tes mains. Tu es ton bourreau, tu es aussi ton libérateur! Ce pouvoir sur ta pensée tu l’as… elle est en toi! Sois sûre, la flamme parfois est enfouie si profondément, enterrée par le désespoir, mais elle est là! Aujourd’hui, fais un choix, dis oui à la vie et bats-toi. L’aide est là, il dépend de toi, il n’y a qu’à la chercher.
La dépression amène une souffrance telle qu’aucun mot ne peut réellement la décrire. Parallèlement, on doit se poser cette question cruciale : va-t-on se battre ou abandonner? La vie vaut la peine d’être vécue, même par petite miette de temps en temps!
Lara Elie Joseph
Inisyativ Sante Mantal an Ayiti (ISMA)