Certaines habitudes dans les familles haïtiennes entravent la construction d’une bonne estime de soi chez l’Haïtien.  Par exemple, on demande constamment à un enfant de baisser les yeux quand on lui parle, et certains parents vont jusqu’à prédire l’avenir de leurs enfants : « ou menm ou pap janm anyen nan lavi a ».  La confusion du fait et de la personne freine tout processus de construction d’une image positive de soi. Exemple : l’enfant qui prend un jouet sans l’avoir demandé devient « yon ti vòlè ». Tous ces commentaires faits aux enfants : « ou sanble yon zopope », « kotew prale ak nen patat sa », ou, de façon anodine, « Haïtien veut dire haïr les siens » … peuvent facilement se transformer en pensées négatives que l’on se répète constamment devenu adulte.

L’ESTIME DE SOI

Le mot estime vient du mot latin « aestimare » qui veut dire évaluer. En fait, nous pourrions dire qu’il a un double sens : « déterminer la valeur de » et « avoir une opinion de ».  Donc, c’est la capacité chez un être humain à s’apprécier et à avoir une opinion positive sur lui-même suite à cette évaluation.   Lorsque nous avons une bonne estime de soi, nous nous jugeons à notre juste valeur, nous nous aimons tels que nous sommes, nous accueillons nos qualités et nos défauts, nous avons une vision positive de qui nous sommes et avons confiance dans nos capacités à réussir, tout en continuant à nous améliorer et choisir de devenir meilleur. Et ceci se manifeste à travers nos pensées, nos émotions, nos attitudes et comportements.  Nous sommes fiers de qui nous sommes.

Si vous sentez que vous avez une estime de soi basse, la bonne nouvelle c’est que l’estime de soi n’est pas immuable.  Elle varie selon les périodes, les activités, les situations et les personnes fréquentées.  Elle peut changer, s’améliorer, ainsi qu’augmenter.  Avant de voir comment l’améliorer, il faut d’abord comprendre que l’estime de soi est construite autour de 4 grands piliers :

1) L’amour de soi : Renmen tèt mwen, avoir la conviction que nous méritons d’être aimés, respectés, juste parce que nous sommes des êtres humains, « yon kretyen vivan », est le premier pilier. Je ne mérite pas l’amour grâce à ce que je fais, mais juste parce que « je suis ».  Je m’aime parce que je suis.

2) L’image de soi : Entretenir en nous-même une image corporelle positive ; apprécier notre corps tel qu’il est, savoir que chacun est physiquement parfait quelles que soient sa hauteur, longueur, grosseur, couleur, forme, et en être fier est  la clé de l’image de soi.   Se voir beau et s’accepter avec ses différences et non travailler à les éliminer, comme par exemple s’administrer des produits sur le corps pour rendre la peau plus claire au risque de nuire à sa santé. NON. Je suis parfait comme je suis.

3) La Vision de soi : être capable de se projeter dans l’avenir et de se donner une mission est l’une des composantes de l’estime de soi qui nous permet d’aller de l’avant et de donner un sens à notre vie. Par exemple, au lieu de se demander « Kisa m fè map peye kifè se nan peyi sa mwen fèt », il faut plutôt se dire : « Si m fèt an Ayiti, se paske mwen kapab ede chanje sitiyasyon peyi sa a ». Je suis important.

4) La confiance en soi : L’autre composante importante de l’estime de soi se construit en comprenant que nous sommes capables de réaliser certaines choses.  Ceci est possible lorsque nous saisissons que nous ne sommes pas nos actions.  Si j’ai fait une erreur, je peux me reprendre, je peux agir différemment, je ne suis pas cette erreur. Donc je peux prendre le risque d’agir.  L’imperfection est dans l’action et non dans l’être.  Je suis capable.

Ces quatre aspects de l’estime de soi sont le résultat de notre activité mentale sur nous-même tandis que l’affirmation de soi est l’expression de ce travail intérieur sur notre entourage.  Lorsque nous avons une bonne estime de soi, nous sommes capables de nous affirmer donc d’agir efficacement, de faire face aux difficultés de l’existence, de nous protéger, de prendre soin de nous-même, de déterminer nos limites et d’en mettre aux autres.

Améliorer son estime de soi, nous pouvons le faire en prenant le risque d’agir différemment malgré nos craintes, en identifiant des petits changements qui sont faciles à réussir. Nous pouvons aussi travailler à changer notre discours intérieur et le transformer en un discours positif, bienveillant et encourageant. Au lieu de prédire un avenir négatif pour nous-même, il serait plus bénéfique d’imaginer un futur où nos rêves se réalisent.  Si vous vous sentez mal dans votre peau et avez de la difficulté à passer à l’action, ou vous avez l’impression de vous saboter,  si vous réalisez que vous n’y arrivez pas seul en dépit de vos efforts, nous vous encourageons à consulter un psychologue qui pourra vous accompagner dans ce cheminement de vie.  Car finalement, la seule personne avec laquelle nous sommes tout le temps, c’est bien nous-même, alors, assurément, nous gagnerons à apprécier notre compagnie et à nous estimer.

 

Béatrice Dalencour-Turnier

Village Santé