Port-au-Prince et ses environs croulent sous le poids d’immondices empilés sur la chaussée. Au bas de la ville, dans les quartiers résidentiels du littoral et ailleurs, ces piles de fatras, un mélange de déchets organiques, d’assiettes en styrofoam, de bouteilles en plastique, de haillons et parfois d’excréments humains mis en sac envahis par des mouches accusent. Les pouvoirs publics, déficients, ne sont pas seuls sur le banc des accusés dans cette  zone métropolitaine de plus 3 millions d’habitants dont des indélicats, des malpropres qui donnent du bonbon pour que tombe la pluie afin de balancer leurs fatras dans les canaux, les rigoles. Sans se soucier des conséquences sur la santé et le fonctionnement de ses concitoyens dont la seule faute est de vivre en contrebas.

Cette insalubrité  est extrêmement grave, balance le docteur Josette Bijou, ex-ministre de la Santé publique et de la Population. Les amas  de fatras produisent des cafards, attirent des rats, de moustiques, des mouches qui sont des vecteurs de certaines maladies. Les boîtes de conserve, pneus usagés servent de gîtes pour les moustiques qui véhiculent la malaria, le zika, le chikungunya, détaille Josette Bijoux. Les mouches ne sont pas en reste. Elles vont dans les ordures, les excréments humains avant de se poser sur la nourriture, explique-t-elle avant d’égrener  des maladies comme le choléra, la typhoïde. Là n’est pas la seule préoccupation de l’ex-ministre de la Santé publique. Les déchets non collectés, brûlés par des riverains peuvent provoquer des maladies respiratoires, s’indigne-t-elle. « On brûle les fatras parce qu’on n’a pas d’autre choix », justifie André Joseph, habitant de Fort National. Les expériences de collecte ont tourné court. Les gens ont préféré se débarrasser eux-mêmes des déchets qu’ils produisent au lieu de verser 200 gourdes par mois à un comité formé à cet effet. Après tout, quand on collectait les détritus, il n’y avait pas d’autre choix que de les déposer au carrefour Sans-Fil, espérant que le SMCRS effectue le ramassage, souligne-t-il.

Pour l’agronome Joël Ducasse, il faut que les mairies rapatrient souverainement cette fonction. Il estime urgent l’application du décret du 13 août 1983 instituant une redevance pour le ramassage d’ordures aux municipalités. Le pouvoir central a ses intérêts inavoués pour empêcher les mairies d’aller dans ce sens-là, soutient Joël Ducasse. Le SMRCS, paralysé récemment par des débrayages d’employés pour des raisons salariales, n’arrivait pas à collecter la moitié du volume de déchets produits journalièrement dans la zone métropolitaine de Port-au-Prince. Entre-temps, le maire de la capitale, Youri Chevry, crie à l’aide, multiplie les appels à l’aide, cherche des partenariats pour résoudre le problème du non ramassage d’ordures. Il veut faire l’acquisition de nouveaux équipements. Pour l’instant, le modèle économique pour régler le problème, à travers la responsabilisation des riverains appelés à verser une redevance pour le ramassage d’ordures, n’est pas dans l’actualité.

L’estimation, avec de légères variations selon que le pays est riche ou pauvre, fixe à 0,0013 m3 de déchet par jour par habitant, confie la responsable d’une compagnie privée de ramassage de déchets. Dans certains quartiers, les gens de conditions économiques moins modestes paient pour le ramassage de leurs ordures.

Roberson Alphonse

Village Santé