CES DÉCHETS QUI NOUS TUENT !

La production de déchets est inhérente à la dynamique de la vie en société. Dans nos vies de tous les jours, nous utilisons des objets, nous en détruisons d’autres. Ce processus nous amène forcément à produire des détritus. Et ce mécanisme de fonctionnement collectif induit une responsabilité à laquelle toute société est confrontée : la gestion des déchets. Les pays/villes que certains trouvent beaux/belles ne sont pas des espaces où l’on ne produit pas de déchets, mais plutôt des espaces où des dispositions sont prises (par des autorités responsables) pour « gérer » les déchets produits. Qu’en est-il chez nous en Haïti ?
Nul n’est besoin d’être expert pour voir que la gestion des déchets n’est pas notre fort en Haïti. Entre les piles d’immondices qui jonchent divers coins de nos rues et l’état impraticable de nos routes suite aux moindres gouttelettes de pluie, on peut rapidement se faire une idée sur l’état des infrastructures sanitaires et celles destinées à la protection de l’environnement. Les ravines, les rigoles, les courants d’eau deviennent presque tous des dépotoirs. Sans aucune gêne ni aucun souci de protection de l’environnement, des individus attendent la pluie pour se soulager de leurs ordures en les balançant partout où il y a de l’eau qui coule, sous prétexte que l’eau de pluie les emportera. Ne se sont-ils jamais demandé jusqu’où l’eau de la ravine ou de la rigole pourra emmener leurs ordures ? Non. D’ailleurs dans certains cas, ils n’ont même pas à se poser la question, car ils les voient reposer devant la maison du voisin ou à même la rue, éparpillés par le mouvement des courants.
Ces pratiques, au grand dam des défenseurs de l’environnement et sous le nez des autorités publiques, se multiplient et gagnent du terrain, notamment dans la région métropolitaine de Port-au-Prince. Les actions visant la sensibilisation des communautés sur l’assainissement, l’hygiène et le traitement de l’eau tardent à avoir les effets escomptés. Entre temps, la dégradation de l’environnement, la pollution et l’insalubrité règnent dans de nombreuses communautés et génèrent diverses maladies.
La promiscuité, la pauvreté, la méconnaissance des règles d’hygiène minimales, l’absence flagrante de l’État à travers ses structures de contrôle, d’assainissement et de promotion à l’hygiène sont autant de facteurs qui participent de cette situation. Dans certaines communes/quartiers, la précarité dans laquelle vivent les gens constitue une entrave à leur sensibilisation. À tout cela s’ajoute le très fameux mythe selon lequel « Mikwòb pa touye ayisyen ». Nous devenons donc insensibles à l’insalubrité de notre espace habitable, malpropres et négligents.
Cela fait-il de la gestion des déchets un but, quelque chose d’inatteignable ? Absolument pas. Il faut juste que chaque acteur joue son rôle. La responsabilité d’assainir et de maintenir propre l’environnement est autant individuelle que collective. Il importe donc que chaque personne fasse sienne cette responsabilité en posant les bonnes actions, et en se mettant avec d’autres voisins/amis que l’état d’insalubrité de l’espace habitable interpelle. Les actions collectives citoyennes peuvent être une alternative face à l’absence d’infrastructures pour la collecte des ordures. Oui, les autorités publiques doivent (devraient) prendre leurs responsabilités en mettant dans les quartiers des programmes réguliers de collecte et de traitement des déchets. Oui, l’État est presqu’absent et est à blâmer. Mais, qu’allons-nous faire en attendant ? La dégradation de l’environnement et l’insalubrité ont des effets néfastes avérés sur notre santé. Plusieurs millions de personnes meurent chaque année de maladies liées à l’insalubrité de par le monde. C’est réel. Il nous faut tous prendre nos responsabilités. Facile à dire ? Peut-être, mais aussi facile à faire. On commence à la maison, on applique les bonnes pratiques d’hygiène, et on éduque nos enfants. Et puis, pourquoi pas, on met le nez dehors pour se rappeler que notre maison est dans un quartier, notre quartier dans une ville, notre ville dans un département… C’est aussi comme ça que commence le changement. Laissons tomber l’insouciance et l’illusion confortable qu’une typhoïde, un choléra ou une malaria ne nous touchera jamais. L’attente de l’État ne nous empêchera pas de tomber malades et de succomber. Exiger ce qui doit être exigé MAIS agir en attendant.
Sinon, le fatras nous tuera tous.
Johnny JEAN
Village Santé
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