Voyant une femme qui réussit une carrière professionnelle, certains se posent la question de ce qu’il en est de son rôle de mère. On le fait par « souci », parce qu’on « s’inquiète » ou parce qu’on veut « aider ». Toutefois, cette préoccupation révèle quand même une forme de discrimination basée sur le sexe. Pourquoi ? Parce que vous ne faites jamais les mêmes petites remarques lorsqu’il s’agit d’un homme qui a une carrière professionnelle réussie. Comme si le fait d’avoir une vie professionnelle remplie et réussie était incompatible avec la maternité ! Voyons ce qu’il en est en vrai.

Les préjugés sur l’incapacité des femmes à gérer une vie professionnelle par rapport à leurs responsabilités de mère tirent leur origine de la conception qu’on avait des femmes de l’Antiquité jusqu’au 18e siècle. La femme n’était bonne qu’à gérer un foyer et élever les enfants. Le philosophe Arthur Schopenhauer a même écrit que « la femme est supérieure à l’homme du point de vue de l’éducation des enfants. » Quand les femmes se sont soulevées pour revendiquer le droit d’apprendre à lire et à écrire et de participer à la gestion de la Cité, elles se sont retrouvées devant un choix. En effet, Sylvain Maréchal, révolutionnaire français célèbre, a émis un projet de loi en 1801, pour interdire l’enseignement de la lecture aux femmes. Le projet de Maréchal allait jusqu’à souligner que: “la Raison veut que les femmes qui s’obstineront à écrire des livres n’auront pas le droit d’avoir des enfants”. Pour une femme, il fallait soit avoir des enfants, soit s’adonner aux choses intellectuelles, mais pas les deux.

Les choses ont évolué depuis. Il est maintenant admis que la femme peut étudier, travailler et avoir des enfants. Toutefois, on se pose la question du « comment ? ». Quand un enfant fait quelque chose qui ne va pas dans le sens d’une bonne éducation, notre réflexe est de demander « Kote manman l ? Et le papa, lui, n’y est-il pour rien ? Il faudrait aussi nous exercer à demander où il est, car c’est aussi sa responsabilité. La société devient complice quand elle ne met la pression que sur elle, quand elle ne demande des comptes qu’à elle.

Personne ne se soucie de ces « poto mitan », ne lève le petit doigt pour ces femmes qui se lèvent tôt le matin, gagnent les rues à la recherche du pain pour leurs enfants, et qui, en plus, se voient couvrir de reproches quand quelque chose se passe mal dans la famille. Sans comprendre ce qu’elles endurent, sans mesurer la dimension de leurs efforts, sans nous demander où sont passés les idiots avec lesquels elles se sont mises pour mettre au monde ces enfants.

Certains se sont tout bonnement retirés, faute de pouvoir jouir des plaisirs que confère la mère. Si on ne peut avoir la mère, on se fout pas mal de « ses enfants ». D’autres sont trop occupés. Or, élever des enfants n’est nullement une responsabilité exclusivement réservée aux femmes. Cette tâche incombe autant à la femme qu’à l’homme, qu’ils soient en couple ou non. L’absence d’un homme dans la vie d’une femme ne le décharge nullement de sa responsabilité de père. De même, les activités professionnelles, quelles qu’elles soient, ne sauraient justifier l’absence d’un père.

Quoi faire ? Il est évident : se partager la tâche. Nous ne saurons pas toujours à quel moment la responsabilité sera « équitablement » partagée entre les deux parents. Par contre, nous savons que chacun a un rôle à jouer et que l’équilibre adviendra quand les deux assument. Comment y parvenir ? Par le dialogue. Les deux parents ont l’obligation de dialoguer pour trouver une entente et concilier leur vie professionnelle et la parentalité. Chaque couple a des défis différents, des emplois différents, des revenus différents, un niveau de vie différent… Ainsi, plusieurs facteurs rendent la situation de chaque famille différente. Il n’y a donc pas de formule magique. Il faut juste dialoguer en tenant compte des responsabilités professionnelles de chacun, de l’emploi du temps de chacun, et de là déterminer, toujours ensemble, les meilleures options.

Et l’entourage doit cesser de « larguer sur le dos de la mère » toutes les responsabilités relatives aux enfants. Des femmes ont dû abandonner leur carrière professionnelle parce que tout le monde a tenu à leur rappeler : « Ou konnen se manmanw ye ». Et le « papa », lui, a continué à gravir les échelons, à recevoir des plaques d’honneur ici et là ! Personne n’a jugé bon de lui demander : « se pa papa w ye ? ». Il faut être deux pour faire un enfant, et continuer à l’être pour les élever.

Oui, vous êtes la maman, vous avez vos responsabilités et vous devez les assumer. Lui, c’est le papa, il a aussi les siennes, et il doit les prendre. Ne laissez personne vous éloigner de vos rêves ! Faites ce que vous devez faire et exigez de l’autre qu’il fasse de même. Car, on peut très bien être une femme qui a réussi sur le plan professionnel tout en ayant été présente dans l’éducation de ses enfants.

Johnny JEAN

Village Santé