INTRO

La sexualité c’est l’affaire des grandes personnes chez nous. En Haïti, timoun se timoun, granmoun se granmoun. Même si nous ne sommes pas tous d’accord sur le fait, il faut admettre qu’ici à 3 ans ou timoun, à 10 ans ou timoun, à 16 ans ou timoun toujou, à 18 ans ou timoun pi rèd. Lorsque deux personnes s’apprêtent à s’embrasser ou commencent à se dénuder dans un film, les comportements qui précèdent l’acte ne diffèrent pas beaucoup d’une famille haïtienne à une autre : « Hmmm…bon, li lè pou nal domi wi timoun’’ ou encore ‘’Oo! Ki koze sa a! Moun sa yo pa konnen gen timoun kap gade’’! Et la séance de cinéma en famille est pour vous bel et bien terminée. Vous le savez, car le regard dans les yeux de vos parents vous indique qu’il est l’heure d’aller dormir, même s’il vient à peine d’être 6h du soir.

’Se timoun ou ye, koze sa yo pa pou ou’’. Et en grandissant, ces garçonnets et fillettes devenus adolescents entendent de leurs pairs ce que leurs parents ont pris tant de soins à leur cacher. Les amis sont toujours là pour partager leurs expériences et leurs conseils, qu’ils soient bons ou mauvais.

Si l’éducation sexuelle dès le très jeune âge a été évitée, peu importe les raisons, on ne devrait pas s’étonner du nombre élevé de grossesses chez les jeunes filles âgées de 15 à 19 ans et des risques et conséquences qui peuvent en découler.

CAUSES ET FAITS

L’éducation sexuelle pas faite ou mal faite, la précocité des rapports sexuels, l’ignorance ou la non-disponibilité des méthodes de contraception, le désir de plaire aux pairs, la difficulté à négocier ses rapports sexuels et les viols domestiques, sont autant de causes responsables de grossesses précoces pour la majorité non-désirées.

La grossesse chez les adolescentes est un problème mondial. Nous parlons de millions de filles qui accouchent chaque année. Et les perspectives pour ces adolescentes ne sont pas si prometteuses : complications lors de l’accouchement, interruption volontaire de grossesse non médicalisée, mort du nouveau-né, pour ne citer que celles-là.

RISQUES ET CONSÉQUENCES

Les risques peuvent autant concerner la mère que le nouveau-né en devenir, et ils peuvent survenir à tout moment au cours de la grossesse. Les risques pour le nouveau-né sont le faible poids à la naissance, malformation, marasme, kwashiorkor, et toutes les autres maladies pouvant en découler. La mère adolescente court des risques de souffrir d’Anémie, d’hypertension artérielle et de maladies liées aux reins. Elle peut avant la grossesse contracter une infection sexuellement transmissible, faire une éclampsie au cours de la grossesse et se trouver dans un état dépressif après.

Les conséquences peuvent être d’ordre physique, psychologique et économique. Les complications de la grossesse et de l’accouchement représentent la deuxième cause de décès chez les jeunes filles âgées de 15 à 19 ans dans le monde. L’interruption volontaire de grossesse non réalisée dans des centres hospitaliers entraine très souvent de graves complications pouvant même aboutir à la mort. Une fausse couche, un faible poids du nouveau-né à la naissance et des troubles de son développement psychomoteur sont des conséquences de santé très courantes dans ces circonstances. Les adolescentes enceintes doivent dans la plupart des cas interrompre leurs études. Le retour à l’école étant difficile et prises de court par les rouages de la vie quotidienne, elles ont du mal à se trouver un emploi. L’économie du pays s’en trouve affectée par la survenue d’un nombre impressionnant de femmes non productives.

CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS

Nos méthodes conservatrices ont échoué face à l’influence des pairs dans l’éducation de nos enfants. Les actions d’ONG qui font la sensibilisation et encouragent l’utilisation des méthodes de contraception ont aussi failli devant les enjeux sociaux éthiques et religieux de notre culture. Ces considérations nous montrent qu’il nous appartient à nous autres parents de trouver d’autres approches pour faire l’éducation sexuelle de nos enfants, de les apprendre à mieux connaitre leur corps, et les conséquences de chaque action qu’ils posent. C’est notre devoir et notre responsabilité de protéger nos enfants des dangers qui les guettent et compromettent leur avenir.

Éduquons nous-mêmes, parlons-en à nos enfants! La sexualité, ce n’est pas seulement l’affaire des grands. Le pourcentage de jeunes filles de moins de 15 ans qui ont déjà un enfant, et celui de celles qui sont mortes ou portent les vestiges d’un avortement clandestin sont là pour nous le prouver.

Dr Cynthia Jean-Louis

Village Santé