« Ti-jan gen lontan li malad, nou mache kay plizyè doktè, yo pa janm jwenn sal genyen. Genlè se manje yap manje l’ nan men nou. »

             Qui d’entre nous n’a jamais entendu une variante de ces quelques mots au sein de notre communauté ? Toujours, ils reflètent un désespoir des proches faces à ce qu’ils considèrent comme une impasse. Beaucoup de patients n’ont même pas eu la chance d’arriver chez le médecin, soit par manque d’accès ou parce que les proches ne prennent pas la mesure du mal-être qui, en fait, est une maladie.

Cette difficulté d’identifier la maladie peut s’expliquer par plusieurs causes : Maladies orphelines, symptomatologie fruste, plateau technique limité. Il ne faut pas se laisser impressionner par ces mots ronflants dont regorge le langage médical pour qualifier ces états de fait. Cela signifie, respectivement, que la maladie est rare et peut s’avérer difficile à diagnostiquer, que le patient ne présente pas de symptômes évidents pour une maladie donnée, et que le pays manque des moyens nécessaires pour poser le diagnostic.

À supposer que le patient parvienne à une structure de santé, il faut parfois plusieurs consultations et de nombreux examens pour avoir une piste concernant la maladie en cause. Ce retard au diagnostic fait souvent dire aux proches que la maladie ne peut être diagnostiquée ni à plus forte raison traitée par la science médicale, donc : « Se pa maladi doktè ».

En plus de certaines pathologies rares, plusieurs maladies très présentes dans le pays peuvent suivre ce cours et donner l’impression d’une origine surnaturelle. On compte des infections (tuberculose, malaria), des maladies auto-immunes où les propres défenses du corps s’attaquent à celui-ci, et certains types de cancers. D’autant plus que plusieurs de ces maladies peuvent avoir une symptomatologie proche, mais leur traitement est radicalement différent. C’est le cas par exemple de la tuberculose et du lymphome.

Il est donc important pour la population haïtienne de savoir que face à un mal-être ressenti par quelqu’un, il n’est de meilleure attitude que le recours à des institutions de santé. Par ailleurs, le processus d’identification d’une maladie peut être long et compliqué. Une difficulté ou un retard au diagnostic ne sont pas des raisons pour évoquer une cause surnaturelle. Il convient de suivre les conseils du personnel de santé et de chercher à exécuter dans la mesure du possible leurs prescriptions.

Joarly K. Lormil

Spécialiste en médecine interne